Sidney Sarkin - Sam Hart & Company

1925 - 1925
437 Mayor, Montréal

Né en 1903 à Vilkomir, en Lituanie, dans une famille nantie, Sidney Sarkin a déménagé en 1920 à Montréal, où il est devenu un célèbre organisateur syndical et un membre exécutif de l’Amalgamated Clothing Workers of America. Au moment où il se trouvait à Berlin (il se dirigeait alors vers Montréal), il prit connaissance de l’impact d’une grève générale lorsque les travailleurs allemands ont mis un terme au putsch Kapp, une tentative de coup militaire. Faisant le vœu de « devenir un prolétaire » dans le mouvement des travailleurs, Sarkin a dû s’opposer aux souhaits de sa famille – celle-ci voulait qu’il reçoive une éducation – afin d’entrer dans l’industrie de l’aiguille en tant que balayeur dans l’atelier de ses cousins. Un communiste actif (qui militait pour Fred Rose), Sarkin a été interné au Camp Petawawa pendant plusieurs mois durant la Seconde Guerre mondiale. Avec plusieurs autres leaders des syndicats, il a été la cible du gouvernement canadien, de la GRC et de l’escouade anti-communiste du Québec, sous la Loi sur les mesures de guerre. L’un des lieux où Sidney Sarkin a travaillé était la Sam Hart & Company, située dans l’édifice Sommer, rue Mayor.

Sarkin a pris sa retraite en tant que coupeur de tailleurs senior en 1967. Il a alors fait paraître ses mémoires en yiddish et s’est attiré la reconnaissance de tous pour ses sculptures de bois complexes.

Voici un extrait de ses mémoires publié dans l’ouvrage de Seemah C. Berson, I Have a Story to Tell You (WLU Press, 2010):

Après avoir été sans emploi pendant trois mois, j’ai commencé à travailler chez Samuel Hart, dans la salle de dressage. C’était au début de l’année 1925. Dans cet atelier, il y avait une grande pièce réservée à la coupe où travaillaient environ vingt-cinq hommes. Au cours des premières semaines, j’avais l’impression de ne pas pouvoir respirer. Je me sentais comprimé et je suffoquais. Mais personne ne me dérangeait au travail. Après trois semaines ou un mois, le gestionnaire principal de Samuel Hart a réuni les travailleurs afin qu’ils viennent écouter un discours. Le message principal qui leur était adressé disait que les temps étaient durs. Aussi, les employés ne devrait pas être surpris, lorsqu’ils ouvriraient leur enveloppe de paie distribuée le vendredi, de remarquer que leur salaire avait été revu à la baisse… de cinq dollars. Il a expliqué que les ateliers syndiqués étaient eux aussi confrontés à cette situation. Après tout, ils devaient demeurer compétitifs. Eh bien, vous savez quoi? J’ai cassé presque tout ce qui m’est tombé sous la main dans l’endroit où j’ai entendu ce discours. Je ne pouvais pas avaler la supposée autonomie de cet atelier ouvert, où les travailleurs ne pouvaient pas exprimer leur opinion à propos des conditions de travail. Alors je suis retourné au fond de la salle de dressage et j’ai dit au contremaître, un compatriote sympathique qui ne m’inspirait rien de mauvais, que je lui remettais ma démission. Celui-ci a répondu: “Quel est donc ton problème? Tu n’as pas été touché”. Il disait vrai. Je n’avais pas subi de coupure salariale. Quand j’ai reçu mon enveloppe, ma paie était intacte. Mais je ne pouvais plus me regarder dans le miroir. Vous savez ce que cela signifiait ? On m’accordait une faveur dans cet atelier parce que j’étais le cousin du patron.

Rassembler les gens n’était pas la manière la plus facile de gagner sa vie dans les années 1920 et 1930. Le gouvernement canadien et les Canadiens avaient peur de l’envergure de la Révolution d’Octobre, la Révolution russe. La grève générale de Winnipeg en 1919 avait semé une peur terrifiante au sein du gouvernement, au point où tous les capitalistes et les bourgeois du Canada jetaient un coup d’œil sous leur lit, afin de vérifier si un Bolchevik ne s’y était pas caché! Par conséquent, toute forme de recrutement, de propagation ou de développement du mouvement syndical qui cherchait à rassembler les gens était surveillé de près par les administrations fédérale, provinciale et civique en tant qu’activité révolutionnaire. Ce n’était pas ce que vous avez aujourd’hui, le droit à l’organisation, quand tout ce que vous avez à faire consiste à réclamer un comité de travail pour prendre un vote dans un atelier – trouver qui est pour et qui est contre! À cette époque, c’était exactement l’inverse. La puissance de l’État, la police, ainsi que toutes sortes d’intimidations, d’arrestations, d’accusation de complot, étaient à l’ordre du jour. Et vous ne saviez jamais à quel moment on viendrait vous chercher. On venait vous chercher maintes fois. On nous emmenait au quartier général de la police, et c’est une expérience que j’ai vécue. Ce n’était pas une cellule où on vous amenait, mais une pièce générale avec quelques petits lits et on avait, excusez-moi, on avait le droit d’uriner à travers le trou, au milieu. Certains se faisaient tabasser aussi. (70)

Par Sarah Woolf et Seemah C. Berson. Traduit par Chantal Ringuet.

Links

Liens

"Engaging Nonfiction Reading" by Cynthia Ramsay - Jewish Independent
"Retired Tailor Carves Out Past With Knife" - Ottawa Citizen
A Balcony Under Threat in Balconville - Third Solitude Series
Camp Petawawa - Socialist History Project
Guide to the Amalgamated Clothing Workers of America Records 1914-1980 - Kheel Center
I Have a Story to Tell You - Seemah Berson
Parti communiste du Québec - Wikipédia
RCMP Security Bulletins: The Depression Years, Part II, 1935 - Gregory S. Kealey and Reg Whiitaker
Sidney Sarkin : un destin juif canadien par Régine Robin (abstract)
Sommer Building Brochure - Gestion Rester
UNITE HERE Historical Timeline

Sources

Berson, Seemah C. (ed.) I Have a Story to Tell You. Waterloo: Wilfrid Laurier University Press, 2010.

*Les images avec l'aimable autorisation de Seemah C. Berson et Wilfred Laurier University Press, Bibliothèque et archives nationales du Québec, Comité Canadien sur l'histoire du travail, Gregory S. Kealey et Reg Whitaker, eds. The RCMP Security Bulletins: The Depression Years, Part II, 1935 et le Musée interactif du Montréal Juif.

Media

Media